proposition : Olivia Lya Thomassie est une Inuite de Kangirsuk dans le Nord-du-Québec.
Olivia Lya Thomassie est une Inuite de Kangirsuk
dans le Nord-du-Québec. Il y a 10 ans, elle quittait sa communauté après
la mort de sa mère. Elle vit maintenant à Montréal et est devenue une
jeune femme impliquée pour la défense des droits des Autochtones. Voici
le portrait d'une jeune femme inspirante. Un exemple de résilience et de
détermination.
Un article de Karine MateuOlivia
Lya Thomassie est née à Kuujjuaq en 1998 d'une mère inuite et d'un père
non Autochtone. Elle a grandi à Kangirsuk où elle a vécu avec sa mère,
mais aussi avec sa grand-mère et sa tante, comme c'est la coutume dans
le Grand Nord.Le père est retourné vivre à Montréal après avoir cherché en vain du travail dans cette petite communauté de près de 600 habitants. Amoureux du Nord, il souhaitait garder un lien avec sa famille et revenait la voir chaque année pendant plusieurs mois.
À cette époque, Olivia parlait inuktitut et fréquentait l'école comme la plupart des jeunes de son âge.
Le drame
En 2006, un soir de février, un homme avec qui la mère d'Olivia entretenait une relation houleuse a fait irruption chez elle, fou de rage et intoxiqué. Il tua sa mère.
Elle avait sept ans et venait d'être témoin de ce drame. Sa vie venait alors d'être profondément bouleversée et transformée à jamais.
Cette nuit-là, le téléphone sonna à Montréal. Le père apprenait la triste nouvelle par un ami et peu de temps après, les services sociaux lui annonçaient qu'ils avaient trouvé une famille d'accueil pour sa fille. Offusqué par cette offre, il leur annonça qu'Olivia allait vivre avec lui.
Hé ho! C'est ma fille! C'est moi le père! Ensuite, j'ai dû monter dans le village et j'ai discuté avec la famille et on l'a laissé terminer son année scolaire à Kangirsuk avec les gens pour ne pas trop la déraciner. Perdre sa mère et changer de milieu d'un coup, ça faisait beaucoup. Après, il y a eu une jeune du village qui est venue passer du temps chez nous, au début, pour ne pas la déraciner.Une nouvelle vie dans un monde inconnu
L'été suivant, Olivia allait rejoindre son père, qui ne parlait pas sa langue, et qui vivait à Montréal, une ville qu'elle connaissait peu.
En fait, je ne pensais pas que j'allais vivre chez mon père. Je pensais que j'allais seulement passer l'été et que j'allais revenir au Nord après. C'est avec le temps que j'ai compris que je n'allais plus vivre à Kangirsuk pendant un bout. J'étais vraiment triste. Je n'avais pas beaucoup d'amis. Je me sentais seule.À son arrivée à Montréal, Olivia commença l'école dans une classe d'accueil pour les nouveaux arrivants afin d'apprendre le français. Tranquillement, elle s'est habituée à son nouvel environnement, surtout grâce aux femmes de l'entourage de son père.
Touchées par le drame vécu par cette jeune enfant, la mère de Patrice, ses soeurs et amies ont offert leur soutien.
L'aide, c'était ma présence. C'était la préparation des repas. Olivia venait souvent chez moi et j'allais la chercher à l'école. J'aidais aussi Olivia avec des activités créatives. On s'amusait, on dessinait. C'était seulement d'avoir une présence féminine dans la vie de Patrice et Olivia.Le procès et le retour à Kangirsuk
Un peu moins de deux ans après la mort tragique de sa mère, Olivia a dû retourner dans le Nord pour le procès du meurtrier.
Âgée de 10 ans, elle a témoigné contre l'homme qui avait enlevé la vie de sa mère et raconta les événements de ce soir tragique. C'était la première fois qu'elle retournait dans le Nord.
On a dû aller à Kuujjuaq pour deux jours pour le procès. Si ça se passait bien, on allait retourner dans mon village. Je me sentais mieux, alors on y est allé. Il [le meurtrier] a eu 25 ans de prison.Comme l'explique son père, c'était la première fois qu'un jury inuit condamnait un des siens à perpétuité en haut du 60e parallèle, et ce, dans toute l'histoire de la justice québécoise.
Depuis le procès, Olivia est retournée dans sa communauté une à deux fois par année.
L'avenir
Aujourd'hui, Olivia a 17 ans et termine son secondaire cette année. Elle a été acceptée au Cégep du Vieux-Montréal en Arts, lettres et communication, où elle fera son entrée en septembre.
Déjà, elle affirme, après ses études, vouloir retourner dans sa communauté et y travailler comme journaliste pour la compagnie du Nord, Nunatsiaq News. Elle aimerait aussi fonder un Wapikoni mobile, un studio ambulant de création musicale et cinématographique, pour son village. « Pour que les jeunes puissent avoir un outil pour transmettre ce qu'ils veulent dire ou des trucs qu'ils voudraient partager », dit-elle.
Questionnée sur son identité, Olivia affirme se sentir Inuite avant tout.
Je me suis toujours sentie Inuite parce que j'ai grandi là-bas et chaque fois que j'y retourne, on me dit que je fais partie de la famille. Quand j'arrive ici, on me dit tellement de niaiseries sur les Autochtones que je ne me sens pas accueillie par les Québécois...Elle affirme cependant ne plus parler l'inuktitut, ce qui l'attriste. Elle doit parler en anglais avec sa famille et ses amis du Nord.
Défendre les droits des Autochtones
La jeune femme se dit féministe et milite pour défendre les droits des Autochtones. Elle affirme qu'il y a encore beaucoup de préjugés.
On me demande encore si je vis dans un igloo et autres choses énervantes... Au début, ça ne me dérangeait pas, mais là, ça fait 10 ans, je suis tannée [...] Je voudrais aussi que les gens comprennent que ça blesse.Olivia a d'ailleurs participé à deux capsules sur les droits des Autochtones réalisées par le Centre Montréal Autochtones en collaboration avec Wapikoni mobile.
Je voulais qu'elle soit argumentée, parce que je voulais qu'elle soit capable de se défendre. Je ne peux pas toujours être là et lorsqu'elle se promène dans la vie, il faut qu'elle soit capable d'être porteuse de sa défense et de la défense de sa nation. Avec le temps, elle m'a vu aller et elle a pris la relève. Elle a le bagage.Des solutions...
Olivia croit qu'il y a beaucoup à faire pour éviter que des drames comme celui qu'a connu sa mère se produisent, mais qu'il y a des solutions.
« Je crois que s'il n'y avait pas eu des problèmes d'éducation ou des problèmes de racisme systémiques, je suis sûre qu'il n'y aurait vraiment pas beaucoup de femmes autochtones disparues ou assassinées. Si on offrait à ces personnes-là de l'aide, comme des ressources ajustées à leur mode de vie, par exemple... Au Nord, il y a des psychologues, il y a des infirmiers, mais ils sont blancs, Québécois, ils ne parlent pas la langue et ils ne connaissent pas la réalité des gens qui vivent là-bas », estime-t-elle.
Elle constate aussi que de plus en plus de jeunes se prennent en main. « Je vois de plus en plus de jeunes qui veulent du changement et je vois des amies qui veulent continuer les études ou les reprendre, qui vivent beaucoup plus en santé et qui font du sport », dit-elle.
Son père, Patrice Rocheleau, croit aussi que les gens sont plus ouverts à entendre la réalité des Premières Nations. Il voit aussi d'un bon oeil les mesures annoncées par le gouvernement fédéral.
« Moi, j'ai confiance. L'ère Harper est partie. Harper qui ne voulait rien savoir des Premières Nations... Là, au moins, il y a quelqu'un qui est intéressé à ce qui se passe de quoi [sic]. On verra ce que ça donnera comme résultats, mais il y a une ouverture. Les gens veulent se parler, dialoguer et il [le gouvernement] leur laisse la parole. Ce n'est pas le gouvernement Trudeau qui va décider ce que les Autochtones ont besoin. Les Autochtones vont se rencontrer et vont décider ce qu'ils veulent pour répondre à leurs besoins, sortir de cette crise-là », conclut-il.
Ou alors Viviane Michel, présidente de Femmes autochtones du Québec
C'est pour exiger la tenue
d'une commission d'enquête nationale sur les causes de la disparition et
du meurtre de femmes autochtones que des manifestations seront tenues
samedi dans plusieurs villes du Canada, dont Montréal, et aussi ailleurs
dans le monde.
Les manifestants réclament également aux gouvernements un plan d'action national pour venir en aide aux femmes autochtones.
Selon Viviane Michel, présidente de Femmes autochtones du Québec, il est primordial que les femmes, les familles et les communautés autochtones puissent être entendues dans le cadre d'une commission. Elle ajoute que «comprendre les racines profondes de la discrimination systémique à laquelle font face les femmes autochtones est un devoir pour faire respecter leur dignité et leur sécurité».
Béatrice Vaugrante, directrice générale d'Amnistie internationale Canada francophone, souligne de son côté que de nombreuses tribunes de l'ONU, des États-Unis et du Royaume-Uni ont demandé au Canada de mettre fin à la violence faite aux femmes autochtones. Selon elle, il s'agit du dossier le plus lourd en matière de droits de la personne auquel doit faire face le Canada, et il est inacceptable que le gouvernement n'en reconnaisse pas l'ampleur et n'agisse pas.
Des données de la GRC publiées cette année révèlent que les femmes et les filles des Premières Nations, les Métisses et les Inuit sont plus à risque que tout autre groupe de femmes au Canada. À titre d'exemple, 1017 femmes et filles autochtones ont disparu ou ont été assassinées entre 1980 et 2012. De plus, on est toujours sans nouvelles de 105 femmes qui ont disparu dans des circonstances inexpliquées ou suspectes.
Au cours de la dernière décennie, alors que le taux d'homicide est en baisse partout au Canada, le nombre de femmes et de filles autochtones assassinées est six fois plus élevé que chez les non autochtones.
À Montréal, plusieurs organisations ont lancé un appel à la mobilisation pour participer à la vigile, samedi soir, dont la Fédération des femmes du Québec.
Selon Viviane Michel, présidente de Femmes autochtones du Québec, il est primordial que les femmes, les familles et les communautés autochtones puissent être entendues dans le cadre d'une commission. Elle ajoute que «comprendre les racines profondes de la discrimination systémique à laquelle font face les femmes autochtones est un devoir pour faire respecter leur dignité et leur sécurité».
Béatrice Vaugrante, directrice générale d'Amnistie internationale Canada francophone, souligne de son côté que de nombreuses tribunes de l'ONU, des États-Unis et du Royaume-Uni ont demandé au Canada de mettre fin à la violence faite aux femmes autochtones. Selon elle, il s'agit du dossier le plus lourd en matière de droits de la personne auquel doit faire face le Canada, et il est inacceptable que le gouvernement n'en reconnaisse pas l'ampleur et n'agisse pas.
Des données de la GRC publiées cette année révèlent que les femmes et les filles des Premières Nations, les Métisses et les Inuit sont plus à risque que tout autre groupe de femmes au Canada. À titre d'exemple, 1017 femmes et filles autochtones ont disparu ou ont été assassinées entre 1980 et 2012. De plus, on est toujours sans nouvelles de 105 femmes qui ont disparu dans des circonstances inexpliquées ou suspectes.
Au cours de la dernière décennie, alors que le taux d'homicide est en baisse partout au Canada, le nombre de femmes et de filles autochtones assassinées est six fois plus élevé que chez les non autochtones.
À Montréal, plusieurs organisations ont lancé un appel à la mobilisation pour participer à la vigile, samedi soir, dont la Fédération des femmes du Québec.